Vue imprenable sur la folie du monde by Denis Robert

Vue imprenable sur la folie du monde by Denis Robert

Auteur:Denis Robert
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Les Arènes
Publié: 2013-10-02T00:00:00+00:00


Il me reste deux jours pour avancer sur mon livre et rattraper le temps perdu. Je suis plutôt en forme en ce début de matinée du 30 janvier 2011. Le seul souci, c’est que j’ai oublié d’éteindre mon portable et qu’il vibre avec insistance à l’autre bout de la pièce. Je finis par me lever. La galerie W qui expose mes toiles à Paris et où j’ai un atelier a un message urgent pour moi. Une dame appelée Maggie Delvaux veut me joindre. Elle a laissé son numéro. Je leur fais répéter deux fois son nom. Ils sont formels. Le souci, c’est que Maggie Delvaux est morte le 5 octobre 2004 à l’hôpital Bons-Secours de Metz. Service des grands brûlés.

La jeune femme d’origine congolaise, mais de nationalité belge, s’est immolée au cœur de Luxembourg pour protester contre l’aveuglement des autorités grand-ducales. C’est une histoire triste et compliquée. Elle avait prévenu des journalistes de son geste, s’était aspergée d’essence place d’Armes au cœur du quartier bancaire et avait craqué une allumette. Je ne suis pas persuadé qu’elle ait voulu mourir. C’était un enchaînement, une tragédie en trois actes. Le bonheur d’une famille s’installant au Luxembourg, une longue descente aux enfers. Et le blast. Son mari Olivier Delvaux, un ingénieur en mécanique belge, avait tenté d’éteindre le feu et s’était brûlé lui-même. Des photos du drame avaient circulé sur Internet. Dans les mois ayant suivi cette mort, j’avais cherché à en comprendre la mécanique. D’autant qu’Olivier Delvaux – cruauté suprême – sera poursuivi pour non-assistance à personne en danger par le parquet luxembourgeois. C’est un drame du racisme dans un gros bourg du sud du pays où la famille Delvaux – avec ses trois enfants – s’était installée. C’est aussi le résultat d’un conflit kafkaïen avec le ministère des Classes moyennes du gouvernement luxembourgeois et sa bureaucratie crasse. Cela faisait sept ans que les Delvaux avaient quitté la Belgique proche pour s’installer au Luxembourg. Olivier y avait acheté un gros garage Citroën mais il avait besoin d’un prêt bancaire et d’une autorisation de réouverture que devait lui délivrer ce fameux ministère. Sept ans de guerre et d’usure, de batailles d’avocats, de querelles au tribunal administratif, de racisme larvé. Une ruine. J’ai interrogé des amis du couple, des journalistes, tenté de joindre des fonctionnaires. Mon idée était de reconstituer avec minutie ce drame pour en cerner les ressorts cachés. J’ai proposé d’en faire un documentaire et un long article. Il me manquait des éléments pour écrire. Au prix de pressions et difficultés, Olivier Delvaux, contre le retrait de la plainte contre lui, était parvenu à un accord avec l’État luxembourgeois, sans pour autant pouvoir ouvrir son garage. Son échec profitera à la concurrence locale. Cette histoire n’a intéressé personne. Tu t’acharnes encore sur ce pays, laisse tomber…

Sept années s’étaient écoulées. Le dossier Maggie Delvaux, les horribles photos de l’immolation dormaient dans une chemise rose qui m’avait accompagné à la galerie W. Parfois je m’inspire de mes histoires pour en faire des toiles. J’ai appelé l’une d’elles Je me souviens de Maggie Delvaux.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.